
Le nouveau droit des sociétés, en vigueur depuis le 1er janvier 2023, apporte de nombreux changements. Dans cet article de notre série de blogs, nous mettons en lumière les simplifications apportées au régime des réserves.
Le nouveau droit des sociétés simplifie la réglementation sur les réserves et l'adapte à la pratique internationale. Le droit fait désormais une distinction claire entre les réserves de capital et les bénéfices non distribués, car leur origine est différente.
Les réserves légales issues du capital (art. 671 nCO) sont des fonds apportés par des investisseurs ; ils ne proviennent pas de l'activité entrepreneuriale de la société. En revanche, les réserves légales issues du bénéfice (art. 672 nCO) sont des réserves qui sont formées à partir des bénéfices non distribués de la société. Le nouveau droit fait également une distinction entre la réserve légale issue du bénéfice (art. 672 nCO) et la réserve facultative issue du bénéfice (art. 673 nCO).
Qu'est-ce qui est attribué à la réserve légale issue du capital ?
On affecte à la réserve légale issue du capital le produit réalisé lors de l'émission d'actions au-dessus de leur valeur nominale, sous déduction des frais d'émission (la différence étant appelée "agio"). Les autres apports et versements supplémentaires effectués par les titulaires de titres de participation sont affectés à la réserve légale du capital.
Si un actionnaire ne remplit pas (entièrement) ses obligations de paiement sur la base de la souscription d'actions, le conseil d'administration peut déclarer l'actionnaire déchu des droits résultant de sa souscription et annuler les actions à émettre, déclarer que les versements effectués (paiements libératoires) demeurent acquis à la société et émettre de nouvelles actions en lieu et place de celles qui ont été ainsi annulées. Pour autant qu'aucune moins-value n'ait été réalisée sur les nouvelles actions émises, les paiements libératoires sont alors affectés à la réserve légale issue du capital.
Comment la réserve légale issue du capital peut-elle être utilisée ?
La partie de la réserve légale issue du capital qui, ajoutée à la réserve légale issue du bénéfice, moins les pertes éventuelles, dépasse la moitié du capital-actions inscrit au registre du commerce peut être restituée aux actionnaires. Si la société a émis des bons de participation, le capital-participation doit être ajouté au calcul pour déterminer la part distribuable de la réserve légale de capital.
Quelles sont les nouvelles règles relatives à la réserve légale issue du bénéfice ?
Cinq pour cent (5%) du bénéfice annuel doivent être affectés à la réserve légale issue du bénéfice. La réserve légale issue du bénéfice doit être alimentée jusqu'à ce qu'elle atteigne, avec la réserve légale issue du capital, 50% du capital-actions inscrit au registre du commerce. Un éventuel capital-participation doit également être pris en compte pour le calcul de la réserve légale issue du bénéfice.
Quelles sont les règles applicables aux sociétés holding ?
La législation actuelle prévoit déjà des allégements pour les sociétés holding, c'est-à-dire les sociétés dont le but principal est la prise de participations dans d'autres entreprises. Selon le nouveau droit des sociétés, les sociétés holding doivent alimenter la réserve légale issue du bénéfice jusqu'à ce qu'elle atteigne, avec la réserve légale issue du capital, 20% du capital-actions inscrit au registre du commerce. La partie de la réserve légale issue du capital qui, ajoutée à la réserve légale issue du bénéfice, moins les pertes éventuelles, dépasse ce seuil de 20% peut être restituée aux actionnaires.
Que faut-il prendre en compte lors de l'acquisition d'actions propres au sein d'un groupe ?
Lorsqu'une société du groupe acquiert des actions de la société qui la contrôle (cf. art. 963 CO), la société contrôlante doit constituer pour les actions cédées une réserve légale issue du bénéfice séparée correspondante à la valeur d'acquisition de ces actions. Cette réserve légale issue du bénéfice ne peut pas être prise en compte dans le calcul des seuils utilisés pour déterminer les limites susmentionnées (respectivement 50% et 20% du capital-actions inscrit au registre du commerce).
Quelles sont les restrictions applicables aux réserves facultatives issues du bénéfice ?
L'assemblée générale peut adopter une disposition statutaire sur la constitution de réserves facultatives issues du bénéfice ou prendre une décision portant constitution de telles réserves. La constitution de réserves facultatives n'est cependant pas possible sans restriction. Selon le nouveau droit, le bénéfice ne peut être affecté à la constitution de réserves facultatives que si cela est justifié pour assurer durablement la prospérité de la société, compte tenu des intérêts de tous les actionnaires. Par exemple, la constitution de réserves n'est pas autorisée si elle sert des objectifs étrangers à l'entreprise ou si elle désavantage les actionnaires minoritaires.
Le nouveau droit ne permet plus expressément de constituer des réserves facultatives à des fins de remplacement. Cependant, les règles comptables générales permettent de procéder à des amortissements et à des corrections de valeur supplémentaires à des fins de remplacement. De même, le nouveau droit a supprimé la possibilité de constituer des réserves à des fins de prévoyance en faveur des travailleurs, car ces réserves avaient perdu de leur importance.
Comment les pertes doivent-elles être compensées ?
Le nouveau droit clarifie désormais l'ordre dans lequel les pertes des exercices doivent être compensées. Il s'agit par exemple d'éviter que le bilan d'ouverture du nouvel exercice ne fasse apparaître simultanément une perte annuelle et un bénéfice reporté.
Les pertes annuelles sont compensées comme suit :
- premièrement, avec le bénéfice reporté;
- deuxièmement, avec les réserves facultatives issues du bénéfice ;
- troisièmement, avec la réserve légale issue du bénéfice ; et
- enfin, avec la réserve légale issue du capital.
Au lieu d'être imputées à la réserve légale issue du bénéfice ou à la réserve légale issue du capital, les pertes restantes peuvent également être reportées partiellement ou totalement sur les nouveaux comptes annuels.
Votre équipe VISCHER se tient à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Personnes de contact: Damien Conus (Genève), Lukas Züst, Thomas Steiner-Krizaj, Peter Kühn (Zurich)
Auteurs: Thomas Steiner-Krizaj, Peter Kühn, Lukas Züst
Traduction: Damien Conus et Roksolana De Lucia