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2 mai 2023

Loi fédérale sur la lutte contre l'usage abusif de la faillite

Dans cet article de blog, nous vous présentons les principales nouveautés législatives relatives à la loi fédérale sur la lutte contre l'usage abusif de la faillite.

En mars 2022, le Parlement a adopté la loi fédérale sur la lutte contre l'usage abusif de la faillite dans le but d'empêcher les débiteurs d'utiliser la procédure de faillite pour se soustraire à leurs engagements financiers au préjudice de leurs créanciers ou de faire de la concurrence déloyale aux autres entreprises. À cette fin, diverses lois et ordonnances seront modifiées et il est attendu que le nouveau droit entre en vigueur le 1er janvier 2024.

La problématique des faillites abusives

Le droit actuel permet à un chef d’entreprise menacé de faillite de constituer rapidement une nouvelle société. Il arrive parfois que des débiteurs abusent de ce droit afin de se débarrasser de leurs dettes envers leurs salariés, leurs fournisseurs ou les autorités publiques. Ces dettes sont, par la suite, fréquemment assumées par les assurances sociales, en particulier la caisse de chômage. Peu de temps après la faillite, ces chefs d'entreprise fondent une nouvelle société, réengagent leurs salariés et rachètent (à bas prix) les outils de production et les stocks qui faisaient partie de la masse de la faillite. Par conséquent, ces débiteurs lèsent leurs créanciers, abusent des assurances sociales et se procurent un avantage concurrentiel. Nous vous présenterons ici les principales modifications législatives adoptées dans le but de lutter directement ou indirectement contre ces comportements abusifs.

Modifications du droit des obligations

Selon le droit en vigueur, les sociétés peuvent, moyennant le consentement de tous les actionnaires, renoncer au contrôle restreint des comptes annuels (opting-out) lorsque leur effectif compte au maximum dix emplois à plein temps en moyenne annuelle (art. 727a al. 2 CO). La déclaration d'opting-out déploie ses effets immédiatement et un opting-out rétroactif est également admis. Ainsi, si la déclaration d'opting-out est faite avant l’expiration du délai de six mois suivant la clôture de l’exercice et avant l’approbation des comptes annuels du dernier exercice, la société n’est plus soumise à l’obligation de faire réviser les comptes de l’exercice clôturé par un organe de révision. Certaines sociétés soumises au contrôle restreint et disposant d’un organe de révision, recourent dès lors à l’opting-out rétroactif lorsque l’organe de révision a émis des réserves sur les comptes annuels ou signalé que la société est surendettée afin d'ignorer ces réserves ou d'éviter d'avoir à procéder aux démarches requises en cas de surendettement.

Le nouveau droit prévoit désormais que la déclaration d'opting-out n'est valable que pour les exercices futurs et que son inscription au registre du commerce doit être requise avant le début de l'exercice (art. 727a al. 2 nCO). De plus, la réquisition d'inscription adressée au registre du commerce doit être accompagnée des comptes annuels du dernier exercice écoulé (art. 727a al. 2bis nCO). En d'autres termes, un opting-out rétroactif ne sera plus possible et les sociétés envisageant une renonciation pour un exercice donné devront procéder à la déclaration d'opting-out au cours de l'exercice précédent. En revanche, il sera toujours possible de recourir à la déclaration d'opting-out au moment de la fondation de la société. Il convient toutefois de noter que les offices du registre du commerce cantonaux pourront sommer la société de renouveler sa déclaration d'opting-out lorsque l'administration fiscale cantonale leur communique que la société n'a pas déposé de comptes annuels conformément au nouvel art. 112 al. 4 nLIFD. Cela a pour but de garantir que la société, même lorsque soumise à un contrôle restreint, continue de tenir une comptabilité et d'établir des comptes annuels qui devraient lui permettre d'évaluer sa propre situation économique et de prendre à temps les mesures nécessaires à son assainissement.

De plus, le nouveau droit prévoit que le transfert d'un manteau d'actions (ou "cadre d'actions") est un acte juridique nul si une société ne présente ni activité commerciale ni actifs réalisables et qu’elle est en outre surendettée (art. 684a et art. 787a nCO). Le Tribunal fédéral, qui a déjà reconnu la nullité d'un tel transfert, entend par transfert d'un manteau d'actions la vente de participations d'une société non encore dissoute juridiquement mais économiquement liquidée et abandonnée de facto par ses actionnaires. Un tel transfert est souvent utilisé pour épargner les coûts relatifs à la liquidation et éluder les dispositions relatives à la radiation et à la constitution d'une nouvelle société.

Le nouveau droit précise aussi qu'en cas de soupçon fondé d’un transfert d'un manteau d'actions lors d'une réquisition d'inscription, l’office du registre du commerce doit exiger de la société qu'elle produise les derniers comptes annuels signés ou respectivement les derniers comptes annuels révisés, si la société dispose d'un organe de révision (art. 684a al. 2 nCO). De tels soupçons fondés peuvent naître en cas de changements importants à inscrire au registre du commerce, tels que le renouvellement complet du conseil d’administration combiné à la modification du siège, du but ou de la raison sociale, ou lorsque le prix de vente des titres dans l'acte de cession est très bas voire symbolique. L'office du registre du commerce doit refuser l'inscription lorsque la société ne donne pas suite à la demande de production des comptes annuels ou lorsque les comptes confirment les soupçons (art. 684a al. 2 nCO). Le nouveau droit autorise également l’office du registre du commerce à radier les sociétés qui n’exercent plus d’activités et n’ont plus d’actifs réalisables (art. 684a al. 3 nCO, qui renvoie à l’art. 934 CO).

Enfin, le nouveau droit prévoit la possibilité de rechercher des personnes dans le registre du commerce (art. 928b nCO). Ces données seront disponibles gratuitement sur Internet, notamment sur les sites des registres du commerce cantonaux. Cependant, le nouveau droit ne déploiera tous ses effets que lorsque les cantons auront actualisé la base de données centrale des personnes. Le public pourra ainsi obtenir une vue d'ensemble de l'historique économique de la personne dans le cadre de ses activités soumises à inscription au registre du commerce. Il sera donc possible de savoir quelle(s) sont la/les fonction(s) que la personne exerce ou exerçait, au sein de quelle(s) entité(s) juridique(s) et si une procédure de faillite a été ouverte à son encontre. Ces possibilités de recherche serviront également aux autorités dans l'accomplissement de leurs tâches. Par le biais de ces informations, les juges pénaux pourront ainsi prononcer une interdiction d’exercer une activité au sens de l’art. 67 CP de manière plus précise (voir ci-dessous les modifications de droit pénal).

Modifications du droit de la poursuite pour dettes et la faillite

Selon le droit en vigueur, lorsque le débiteur est soumis à la poursuite par voie de faillite au sens de l’art. 39 LP, les créanciers de droit public ne sont en principe pas autorisés à requérir l'ouverture d'une faillite mais doivent se contenter de la poursuite par voie de saisie (art. 43 ch.1 et ch. 1bis LP). Des cas d'abus montrent que cette particularité incite les entreprises surendettées à ne pas payer leurs dettes de droit public (telles que les impôts ou les primes d'assurance-accident obligatoire) et à ne payer que leurs dettes de droit privé. Cela signifie que ces entreprises peuvent continuer à exister et que leur faillite est retardée ou n'a simplement pas lieu, alors même qu'elles sont insolvables. Le nouveau droit prévoit désormais la suppression de l’art. 43 ch. 1 et ch. 1bis LP. Par conséquent, les créances de droit public seront également soumises à la poursuite par voie de faillite.

Des règles visant à renforcer la coopération entre les autorités sont également prévues par le nouveau droit. En vertu de l'art. 11 nLP, les fonctionnaires des offices des faillites seront tenus de communiquer aux autorités de poursuite pénale tous les crimes et délits poursuivis d’office qu’eux-mêmes ou leurs subordonnés constatent dans leurs fonctions ou qui leur sont signalés. En outre, chaque personne agissant pour l'office des faillites sera habilitée à dénoncer aux autorités de poursuite pénale les infractions constatées qui doivent être poursuivies d’office (art. 11 al. 3 nLP). Les infractions pénales pouvant faire l'objet d'une communication ou d'une dénonciation dans ce cadre sont, par exemple, les infractions contre le patrimoine, telles que la gestion déloyale (158 CP), la banqueroute frauduleuse (art. 163 CP), la diminution effective de l’actif au préjudice des créanciers (art. 164 CP) ou la violation de l’obligation de tenir une comptabilité (art. 166 CP).

Modifications du droit pénal

Le droit actuel permet au juge d'interdire à une personne qui a commis un crime ou un délit dans l'exercice d'une activité professionnelle ou non professionnelle organisée d'exercer partiellement ou totalement cette activité ou des activités comparables (art. 67 CP). Le nouveau droit prévoit un élargissement du champ d'application de l'interdiction d'exercer une activité. Actuellement, une telle interdiction ne s'applique qu'aux activités que l’auteur exerce en tant qu’indépendant, organe d’une personne morale, d'une société commerciale, en tant que mandataire ou représentant d'un tiers. Selon le nouveau droit, l’interdiction sera étendue à l'interdiction d'exercer toute activité dans une fonction devant être inscrite au registre du commerce, ce qui inclut les organes de fait. En d'autres termes, une personne agissant en tant qu'organe de fait pourra se voir interdire l'exercice d'une activité et, par conséquent, se voir refuser l'inscription en tant qu'organe formel.

Des règles visant à renforcer le respect de cette interdiction ont été également introduites. En vertu du nouveau droit, l'Office fédéral du registre du commerce (OFRC) doit veiller à ce que la base de données centrale des personnes ne comporte pas d'inscriptions incompatibles avec l'interdiction d'exercer une activité au sens de l'art. 67 CP (art. 928a al. 2bis nCO). À cette fin, l’OFRC devra être informé des mesures d’interdiction par les autorités judiciaires pénales cantonales qui seront tenues de lui communiquer immédiatement leurs décisions (art. 942 al. 3 CO). L'OFRC pourra également consulter en ligne les données nécessaires du casier judiciaire (art. 47 let. e nLCJ). Enfin, lorsque l'OFRC constate des incompatibilités, il devra en informer l'office cantonal du registre du commerce compétent (art. 928a al.2ter nCO), lequel devra alors sommer l’entité juridique de prendre les mesures nécessaires (art. 928a al. 2quater nCO).

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Personnes de contact: Gérald Virieux (Associé)

 

Catégories: Droit des sociétés et droit commercial, Restructuration et insolvabilité, Droit fiscal, Blog

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