Catégories: Droit des sociétés et droit commercial, Propriété intellectuelle, Fusions-acquisitions, Notariat

Le nouveau droit des sociétés, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2023, apporte de nombreux changements. Dans cet article de notre série de blogs sur le nouveau droit des sociétés, nous mettrons en lumière ce qui devra être pris en compte.
Certains changements introduits par le nouveau droit des sociétés ne peuvent être mis en œuvre qu'après leur adoption par l'assemblée générale, parfois après une décision prise à la majorité qualifiée. Le catalogue de ces "décisions importantes", qui existait déjà, a ainsi été élargi, et parfois à des décisions qui ne concernent pas les changements spécifiques à la révision du droit des sociétés.
... en lien avec des nouveautés spécifiques
L'art. 704 al. 1 du Code des Obligations (CO) énumère, sous le titre "Décisions importantes", les affaires qui requièrent une décision de l'assemblée générale recueillant au moins les deux tiers des voix attribuées aux actions représentées et la majorité des valeurs nominales représentées.
En lien avec les nouveautés spécifiques du nouveau droit des sociétés, les décisions suivantes ont été ajoutées à la liste de l'art. 704 al. 1 révCO :
Chiffre 5 : l’institution d’une marge de fluctuation du capital ;
Chiffre 9 : le changement de la monnaie du capital-actions ;
Chiffre 10 : l'introduction de la voix prépondérante du président à l'assemblée générale ;
Chiffre 11 : l'introduction d'une disposition statutaire prévoyant la tenue de l'assemblée générale à l'étranger ;
Chiffre 14 : l'introduction d'une clause d'arbitrage dans les statuts ;
Chiffre 15 : le renoncement à la désignation d'un représentant indépendant en vue de la tenue d'une assemblée générale virtuelle dans les sociétés dont les actions ne sont pas cotées en bourse.
Nous avons déjà évoqué dans un article de notre blog du 24 janvier 2022 ("Le nouveau droit suisse des sociétés entrera en vigueur le 1er janvier 2023 (no.1)") la possibilité d’adopter, avant le 1er janvier 2023, des décisions visant à modifier les statuts afin de les adapter au nouveau droit des sociétés (modifications statutaires dites programmées et conditionnelles). La Communication OFRC 1/22 publiée le 17 janvier 2022 par l'Office fédéral du registre du commerce (OFRC) relative aux modifications des statuts en vue de la révision du code des obligations (droit de la société anonyme) ne contient aucune indication sur la question de savoir si la majorité qualifiée de l'art. 704 al. 1 révCO doit déjà être observée pour de telles adoptions, alors qu'elle n'est pas encore formellement en vigueur. Il convient de répondre par l'affirmative, car il serait contraire au système - et pourrait même être qualifié de contournement à la loi - si, par exemple, l'introduction d'une clause d'arbitrage dans les statuts pouvait être adoptée à la majorité simple en 2022 avec effet au 1er janvier 2023, alors qu'une majorité qualifiée est requise pour cela selon le nouveau droit des sociétés.
... en lien à d'autres décisions importantes ajoutées à la liste
Le catalogue de l'art. 704 al. 1 révCO a également été élargi à des décisions qui ne sont pas liées à des nouveautés spécifiques prévues par la révision du droit des sociétés :
Chiffre 2 : la réunion d’actions, pour autant que le consentement de tous les actionnaires concernés ne soit pas requis ;
Chiffre 3 : l'augmentation du capital-actions par compensation de créance ;
Chiffre 6 : la transformation de bons de participation en actions ;
Chiffre 12 : la décotation des titres de participation de la société.
Sur le chiffre 2 : Selon le droit en vigueur, la réunion d'actions requiert le consentement de tous les actionnaires concernés (art. 623 al. 2 CO). Pour les sociétés cotées dont l'actionnariat est très dispersé, cette exigence pose des problèmes insurmontables, par exemple en cas d'assainissement, et cette disposition s'est donc révélée inappropriée. Elle est toutefois maintenue, sous le nouveau droit, pour les sociétés non cotées (art. 623 al. 2 révCO). En revanche, pour les sociétés cotées, une décision de l'assemblée générale à la majorité qualifiée suffira (art. 704 al. 1 ch. 2 révCO).
Sur le chiffre 3 : L'ancien droit permettait déjà de procéder à une augmentation de capital par compensation d'une créance (appelée libération par compensation). La doctrine et la pratique contestent toutefois la possibilité d'utiliser comme apport, lors de l'augmentation du capital social, des créances qui ne sont plus entièrement couvertes par des actifs de la société. L'art. 634a al. 2 révCO l'autorise désormais expressément, car les autres créanciers ne sont pas désavantagés par cette mesure qui permet notamment à la société anonyme de réduire tout ou partie d’un surendettement. Parallèlement, l'art. 704 al. 1 ch. 3 révCO exige que toutes les libérations par compensation soient adoptées par une décision à la majorité qualifiée de l'assemblée générale. En outre, le montant de la créance compensée, le nom de l'actionnaire et les actions qui lui reviennent doivent désormais être indiqués dans les statuts (art. 634a al. 3 révCO). Ainsi, le nouveau droit des sociétés, d’un côté, apporte une clarification bienvenue mais, de l’autre, introduit de nouveaux obstacles en ce qui concerne la libération de la compensation.
Sur le chiffre 6 : Dans la pratique, la conversion de bons de participation en actions requiert déjà l'approbation de l'assemblée générale à la majorité qualifiée. En effet, cette opération implique la suppression du droit de souscription préférentiel des actionnaires existants, une décision qui requiert déjà et continuera de requérir une majorité qualifiée (art. 704 al. 1 ch. 6 CO). Toutefois, la conversion susmentionnée est désormais expressément réglementée (art. 704 al. 1 ch. 6 révCO).
Sur le chiffre 12 : En l'absence de dispositions statutaires contraires, la décotation pouvait jusqu'à présent être décidée par le conseil d'administration (art. 716 al. 1 CO). Toutefois, la décotation constitue une atteinte grave à la position juridique des actionnaires : en effet, les actions ne peuvent plus être vendues en bourse, il existe un risque de restrictions plus strictes en matière de transférabilité, les droits de participation sont perdus, les exigences en matière de transparence sont réduites (par exemple pas de publicité ad hoc et exigences réduites en matière de présentation des comptes), et un contrôle ordinaire des comptes annuels ne doit plus obligatoirement être effectué. En raison de ces conséquences économiques et juridiques importantes, la décision de décotation est désormais explicitement une compétence intransmissible de l'assemblée générale et est soumise à la majorité qualifiée (art. 704 al. 1 ch. 12 révCO).
... selon les statuts
Sous le nouveau droit des sociétés, l'assemblée générale est également autorisée à introduire des dispositions statutaires exigeant une majorité plus forte que celle requise par la loi. En outre, le catalogue des décisions nécessitant une décision à la majorité qualifiée peut être élargi. L'introduction des dispositions statutaires exigeant une majorité plus forte requiert la majorité prévue. Dans la pratique, cette règle s'appliquait déjà aux modifications et aux abrogations de ces dispositions statutaires ; elle est désormais expressément inscrite dans la loi (art. 704 al. 2 révCO).
De tels quorums statutaires revêtent une grande importance dans la pratique des PME. Ils permettent de trouver des solutions sur mesure qui tiennent compte des spécificités de la société et des exigences légitimes d'actionnaires ou de groupes d'actionnaires aux intérêts parfois différents. En particulier, les actionnaires minoritaires peuvent se voir attribuer une minorité de blocage adaptée aux circonstances concrètes.
Votre équipe VISCHER se tient à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Autres articles de la série:
- Le nouveau droit suisse des sociétés entrera en vigueur le 1er janvier 2023 (no. 1)
- L'assemblée générale sous le nouveau droit des sociétés - Qu'est-ce qui change? (no. 2)
- La marge de fluctuation du capital (no. 3)
- Perte de capital, surendettement et menace d’insolvabilité (no. 4)
- Nouveau droit des sociétés: Augmentation et réduction de capital (no. 6)
- Nouveau droit des sociétés : Reprise de biens envisagée (no. 7)
- Nouveau droit des sociétés anonymes : La libération par compensation (no. 8)
- Nouveau droit des sociétés : Dividendes intermédiaires (no. 9)
- Nouveau droit des sociétés : Restitution des prestations (no. 10)
- Nouveau droit des sociétés : Capital-actions en monnaie étrangère (no. 11)
- Nouveau droit des sociétés : Règles simplifiées sur les réserves (no. 12)
- Nouveau droit des sociétés: Représentation des actionnaires (no. 13)
- Nouveau droit des sociétés : Modifications pertinentes en matière de fiscalité (no. 14)
- Nouveau droit des sociétés : Droit aux renseignements, à la consultation et à l'institution d'un examen spécial (no. 15)
- Nouveau droit des sociétés : Clause d'arbitrage statutaire (no. 16)
- Nouveau droit des sociétés : Allégements de la signature des réquisitions d'inscription au registre du commerce (no. 17)
- Conseil d'administration : aspects choisis du nouveau droit de la société anonyme (no. 18)
- Nouveau droit des sociétés : La décision par voie circulaire du conseil d'administration (no. 19)
- Nouveau droit des sociétés : Demande d'inscription au registre du commerce par un tiers autorisé (no. 20)
Auteurs : Thomas Steiner-Krizaj, Peter Kühn, Lukas Züst